Commémoration du 27 août

27 août 1944
Fin août 1944, les Allemands repoussés par les forces alliées, fuient vers l’Est en traversant le Tonnerrois, dernière région de l’Yonne à être libérée. Commissey et Saint-Martin en firent les frais et furent le théâtre d’échauffourées sanglantes.
Alors que le matin du 27 août, une première colonne de soldats ennemis en déroute et démunis transite par le village de St-Martin en direction de Crusy-le-Châtel, réquisitionnant tous les moyens de transport possibles, l’après-midi une seconde colonne vient de St-Vinnemer et Tanlay. Fortement armée et motorisée, elle est la cible de tireurs embusqués en haut de Commissey. Les représailles sont immédiates : cette division de l’Afrika-Korps, qui avait combattu la veille à Tonnerre, au lieu de s’élancer sur ses assaillants en fuite, tirent à l’aide de balles incendiaires, de tirs au mortier et de canon, sur le village. Plusieurs maisons prennent feu, celles de Mr Carrin, de Mr Descaves, du maire Mr Paris-Chéron, ainsi que la ferme de Mr Roy. Le bétail est sauvé de justesse mais pas la moisson rentrée récemment. La solidarité s’organise et bien que plusieurs habitants viennent prêter main-forte, l’ampleur du brasier est telle que les pompiers de Tanlay sont appelés à la rescousse. Ils empruntent le chemin de halage pour éviter la colonne allemande. Les lances incendie déployées, le clairon retentit pour signifier l’ouverture et la fermeture de l’arrivée d’eau, ce qui malheureusement déclenche à nouveau une charge de balles et d’obus allemands sur le village. Mr René Picoche et Mr Georges Rigault sont mortellement touchés alors qu’ils aidaient au déménagement des maisons embrasées. La fusillade fait également deux blessés, Mrs Magnien et Harbinet.
Des soldats s’introduisent dans le village. Ainsi, Mr Charles Guillemin, chef de corps des sapeurs-pompiers transportant le corps de Mr Rigault dans une grange, se trouve face à un soldat allemand mais aussi effrayé que lui, il ne fait pas usage de son arme. Alors que Mr Guillemin regagne sa maison par les jardins, il croise le Docteur Gillet venu soigner les blessés. A ce moment-là un autre soldat tapi près de l’école tire une rafale qui heureusement passe entre eux et ne les touche pas.
Parmi les résistants du Maquis Verneuil cachés à Saint-Martin ce jour-là, se trouve le radio Michel Vincent qui alerte l’armée alliée. Une escadrille canadienne arrive rapidement et bombarde la colonne allemande qui essaye de riposter. Une quarantaine de véhicules allemands sont incendiés, le feu se propageant aux champs avoisinants. Quelques blessés de l’armée ennemie sont transportés dans une maison au Val de Quenouil, curieusement aucun mort ne sera retrouvé.
Les avions partis, les soldats allemands gagnent Saint-Martin. Des habitants vont se cacher près d’une carrière souterraine. Alors qu’Abel Régnard traverse la place de la mairie, un soldat allemand prostré près du monument aux morts décharge son fusil dans sa direction. Une seule balle l’atteint au genou. Il réussit à rentrer chez lui, suivi par les soldats allemands en quête de « terroristes ». Quelques hommes sont pris en otage et enfermés dans une grange à la sortie du village.
Une partie du convoi allemand reprend la route, une autre passe la nuit à réparer les véhicules endommagés par l’attaque et se font même servir un repas sous la menace. A l’aube, les otages n’entendant plus de bruit, s’essayent à l’extérieur et regagnent leur domicile. Les soldats ont quitté le village sans faire de victime.
Deux jours plus tard, le mardi 29 août, des membres de la 3ème compagnie des Verneuil avec à sa tête le Lieutenant Étienne, informés des combats des jours précédents, se rend à Saint-Martin. Mais les soldats allemands revenus pour récupérer le matériel militaire abandonné, les prennent pour cible. Un maquisard, Raymond Guérémy, est tué, d’autres sont blessés dont un beaucoup plus sérieusement. Une ambulance venant de Tonnerre arrive, avec à son bord des FFI et Lucienne Paillot, dite Lulu, infirmière à l’Hôpital militaire à Tonnerre et agent de liaison. Malgré le drapeau blanc, les Allemands continuent de mitrailler et ils ne peuvent aller chercher le corps de la victime. Ils quittent le champ de bataille avec les blessés dont Maurice Lannier, qui meurt pendant le transport. Ils reviendront en fin de journée pour récupérer le corps de Raymond Guérémy. Entre-temps, les Allemands ayant repris des véhicules et un canon, sont repartis en direction de Lézinnes, laissant le corps d’un des leurs, un autre ayant été fait prisonnier par les FFI.
Les détails de cet épisode relatés dans des bulletins écrits pour certains par la famille Blot de Saint-Martin et provenant des archives de la famille Vaissier, ne peuvent laisser insensibles, même si au regard des années qui passent, les témoins actifs sont de moins en moins nombreux. Nous avons un devoir de mémoire pour les hommes et les femmes qui, armés de leur seul courage, dans un élan de solidarité, au péril de leur vie et avec abnégation, ont lutté pour que leur pays, leurs villages, leurs compatriotes poursuivent leur destinée.
Cet héritage que nous laissons à notre jeunesse ne peut tomber dans l’oubli, car rien n’est acquis. Pour preuve, la guerre en Ukraine, au cœur de l’Europe, conduit à des bouleversements géopolitiques compliqués, et met la démocratie en situation périlleuse.
Ce soir, nous allons observer une minute de silence en hommage à Messieurs Picoche et Rigault mais également en hommage à ces hommes et ces femmes, qui ont combattu pour nous laisser un pays libre et indépendant, et pour tous ceux qui luttent actuellement pour le respect de leurs droits et de leur liberté.
Caroline Yvois